Tout a commencé par du théâtre.
Et puis, il y les voyages, les errances, d'un lieu à un autre ou de nulle part vers partout.
Et puis il y a les rencontres, le couchsurfing, le stop, l'improbable, les lieux communs, les trouvailles dans les fossés des chemins.
Et tout finira, je l'espère, par du théâtre.

samedi 16 juillet 2011

Les bénévoles. Les musiciens. Les festivaliers.

Des gens des visages des rires de l'humour de la bonne humeur des coups de gueule des sauts périlleux des sauteries des sots des seaux d'eau douche froide été indien... tout cela, c'est tellement bien.

Je me laisse aller au lyrisme facile. C'est médiocre, mais ça ira pour l'instant.

Tout ça pour dire que rencontrer des gens, c'est voyager. Je suis en train de vivre d'excellentes vacances (je ne dis pas les meilleures, je vexerais certains de mes amis) alors qu'elles ressemblent peu à des vacances et justement pour cela. Une grande vadrouille, c'est exactement cela. Des gens partout, que je croise, que je tutoie avec qui je mange chez qui je dors que je sers avec qui je ris des gens partout déchirés arrachés drogués des gens sans queue ni tête, des fortes têtes et des instants indicibles.

Bien sûr un festival roots comme celui-ci vous en attendez quoi ? Ils sont tous un peu fou fêlé malades névrosés, mais bons vivants dans l'ensemble et puis toujours volontaires, heureusement nous sommes presque tous des volontaires, et mêmes les salariés de l'association, ils sont volontaires comme quoi. Et puis des musiciens, des Autrichiens des Congolais des Américains et encore des Américains et des Français d'un peu partout ils sont adorables dans l'ensemble, quand je pense que le tour manager de Secret Chiefs 3 a donné un coup de main pour la vaisselle voilà le bel esprit, et puis voir les musiciens écouter le concert qui suit le leur, ou bien celui qui précède, c'est ça le bel esprit, et puis elle qui revient les deux soirs qui suivent et eux les parisiens à qui j'ai offert une bière qui reviennent aussi, parce qu'on fait de la musique tous ensemble, pas en concurrence, on aime la musique on est là pour ça. Putain de show-biz on est heureux quand on s'en déprend mais il reste là sournois tapis dans la pénombre le saligaud.

Les festivaliers tous les genres les aficionados les derniers nés les familles les vieux soixante-huitards les fans d'un groupe, ceux qui soutiennent le festival coûte que coûte et puis tous ceux-là indistincts que j'ai croisé sans m'en rendre compte ils étaient là pourtant et ils continuent ici, là-bas, à être là sans moi.

Et puis il y a ce gars avec une casquette, un bon gars, le genre dont vous avez envie de serrer chaleureusement la mains à la moindre occasion eh bien il était là tous les soirs, et en plus je l'ai croisé à une terrasse d'un café à Marseille et il allait au même concert underground que nous le soir et hier, surprise il était là dans une rue d'Avignon une bière à la main un peu éméché, c'est dingue recroiser tout le temps la même personne comme ça, vous appelez ça une coïncidence ? Karma elle dirait moi je ne sais pas j'en souris c'est tout de même fort de se croiser comme ça, enfin Avignon il faudra que j'en parle aussi, toutes ces choses à dire et les mots qui se barrent en couille et.

Rocher, cuisine, musique.

C'est un bout de rocher, face à Marseille. Entouré par la mer, agressé par le soleil. Le lieu du festival. Ce n'est pas une découverte, je suis venu au même endroit, et dans le même but, il y a trois années de cela. Mais quelle redécouverte ! L'arrivée par bateau, puis le minibus qui porte jusqu'aux ruines de l'hôpital Caroline. C'est dans cet ancien hôpital de quarantaine en rénovation que je vais vivre pendant six jours au rythme de mon travail en cuisines. Car c'est dans l'équipe « catering » que je me suis porté volontaire. Comme il y a trois ans. Parce que travailler avec Nadia, c'est bien au-delà du sandwich au jambon ou des pâtes au beurre. Je vous donnerai quelques exemples à en faire baver plus d'un. Ensuite, parce qu'au catering, on côtoie tous les bénévoles qui viennent manger, et surtout les groupes que l'on se charge de sustenter. Et discuter avec des musiciens qui, en plus, adorent ce qu'ils sont en train de manger, cela donne lieu à des instants privilégiés, à savourer tous les soirs.

Nous sommes six. Nous fournissons pour environ cinquante couverts le midi, une centaine le soir. Nous préparons, mettons en place sur le buffet ; après les gens se servent eux-mêmes – c'est pas un resto, non plus ! Nous travaillons de neuf heures à deux heures du matin, avec un peu de mou le soir à partir de vingt heures environ qui permet d'aller écouter un peu les concerts. Les pauses sont courtes, surtout pour moi (ce sont bien les seuls cinq jours de l'année où je me transforme en Stakhanov). Et puis le soir, pour me reposer, j'allais au bar servir des pressions au festivalier. Histoire de rencontrer des représentants de l'« autre côté ». Après le catering où tout les mangeurs sont satisfaits, où les éloges pleuvent, le bar fait l'effet d'une douche froide : on m'engueule quand il n'y a plus de sandwiches, on m'engueule parce que le bar est fermé...ce n'est pas plus mal. Fin du nuage. C'est l'occasion de discuter, de rencontrer des gens qui viennent ponctuellement, pour la première fois...

La musique baigne l'après-midi (balances) et la soirée (concerts, deux par soir). Je l'entends, bien sûr, mais vois rarement les concerts. Avec le plaisir d'en être dispensé parfois, devant des groupes affligeants. Avec la frustration de ne pouvoir assister qu'à la moitié du concert d'autres fois. The Last Poets étaient vraiment bien, et le coup de cœur, un groupe de congolais : more, more, more... future. Forcément, un groupe qui chante des textes inspirés de Nietzsche, qui conçoit une vraie mise en scène avec des parties dansées qui intègrent le temple en ruine sur lequel s'adosse la scène...

MIMI, késako ?

Commençons par un lien, qui vous expliquera mieux que moi de quoi il retourne : http://mimifestival2011.amicentre.biz/


MIMI est un festival qui a lieu tous les ans depuis 26 ans sous la direction de Ferdinand, le grand homme que l'on salut avec déférence et derrière qui tout le monde se tourne avec admiration. On entend même les plus âgés (en années d'activités à MIMI) chuchoter son nom et surtout son renom aux plus jeunes (en années...)

MIMI, c'est un festival engagé, pour l'environnement, pour la diversité culturelle, pour la musique qui n'est pas seulement la musique mais une manière de vivre. C'est un festival plutôt roots, on a les pieds dans la poussière, on dort (enfin, pour le peu que l'on dort...) tous dans la même salle improvisée dortoir, on boit des bières – même si cette année, elles étaient rationnées... – on fume...des clopes. Le tout dans une bonne ambiance volontaire. Après, ce n'est pas le paradis, ils y a souvent des accrocs entre les membres de l'équipe de l'AMI (l'association qui organise le festival), puisqu'ils bossent toute l'année ensemble.

MIMI c'est surtout l'occasion de passer six jours dans un autre monde, isolé sur une île, sans se soucier de rien et pourtant avec des impératifs très précis, qui me font travailler sans compter. Revenir à la ville, à Marseille, retrouver le monde, les soucis...ce lieu commun du retour qui file le blues à tous les coups...

vendredi 15 juillet 2011

Retard(s)

J'avais, jusqu'à fin juin, réussi à tenir ce blog avec une certaine régularité. Mais voilà, les choses se sont bousculées dernièrement, et mon séjour sur une île, sans internet, n'a pas aidé.

Il s'est passé beaucoup de choses, il est donc difficile de tout rattraper alors même que le temps me manque. Je vous écris depuis la terrasse d'une charmante maison, près d'Avignon, celle de notre ami William chez qui je suis arrivé hier, et dont je repars illico pour squatter dans le jardin de Jean-Vivien.

J'ai rencontré tellement de gens, découvert tellement de choses, qu'il est difficile et frustrant de devoir mettre en mots tout cela. C'est pourtant l'objectif de ce blog, et si je renonce à cela, autant l'arrêter.

Devant les cris enthousiastes des nombreux fans, je vous promets donc de ne pas laisser tomber, et d'essayer, coûte que coûte, de vous parler du festival à Marseille, des deux jours passés ensuite dans la ville, et du séjour avignonais qui commence tout juste.

Le théâtre était un peu moins au goût du jour, mais la vadrouille était plus que jamais au rendez-vous.

Je m'enfonce dans une spirale de plus en plus roots. Avec délice.

jeudi 30 juin 2011

Bonheur(s)

J'ai l'impression de crouler sous les bonnes choses. Je côtoie de gens magnifiques, beaux et brillants. Je vois du grand théâtre. Et lorsque je ne suis pas dans la salle de théâtre, je vais au cinéma, par exemple, voir Once Upon a Time in America. C'est un des meilleurs films qui soient. Je viens de finir Œdipe sur la route, et c'est une très belle découverte. Je vis sur un nuage entouré de choses excellentes : cela durera-t-il ? Vais-je réussir à me maintenir en vol si près de ces soleils ? Ou bien ma vie va-t-elle reprendre pied dans le médiocre et la fange ? J'ai parfois l'impression que je rêve – et d'ailleurs, j'en rêve. Et pourtant, je suis bien vivant, je vibre bien tous les jours depuis quelques temps aux accents de la voix de Bertrand, aux tirades de Sophocle dans la bouche de Patrick, de Sara... J'ai beau n'être que spectateur, je suis spectateur de belles choses et je n'exige guère plus de ma vie : je me sens voué à l'admiration des belles choses. Peut-être trouverai-je la force intérieur d'en faire, aussi. Nous verrons bien. J'ai confiance (la plupart du temps).

Est-ce cela le bonheur ? Est-ce que ma vie a un sens, maintenant ? Je choisis d'être optimiste, et de le croire. Et l'on pourrait conclure comme Stig Dagerman : « Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me bonne le vertige : une consolation qui soit plus qu'une consolation et plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire une raison de vivre. »

Première(s)

La première. Le cœur qui bat ; et pourtant, moi, je suis dans la salle. Les gens, partout. C'est dingue, avant j'avais toute la place que je voulais, je pouvais me mettre pied nu et étaler mes jambes.

La première. C'est pour de vrai. J'ai confiance, les répétitions ont bien montré qu'ils sont tout à fait capable d'assurer.

La première. Les inévitables pépins (tiens c'est marrant, à la relecture, je m'aperçois que "pépins" ressemble à "***"). La pluie qui ne tombe pas (elle arrive bien, mais en retard. Personne ne remarque, bien entendu, que les habitués). Déjà, je souffre pour eux. Les pauvres, ils doivent se demander ce qui se passe. Ensuite, et c'est le pire : le larsen qui accable le guitariste. Le pauvre, à chaque fois qu'il essaie de se rasseoir, un bruit déchirant survient, au beau milieu d'ailleurs de la tirade de l'actrice principale, qui reste de marbre (enfin elle continue à jouer, quoi). Et le guitariste de faire des allées et venues pour résoudre le problème. Des coups de couteau en plein cœur, je vous dis. Pourquoi, mais pourquoi, faut-il que cela arrive maintenant, alors que les répétitions s'étaient très bien passées ? Le coupable, nous l'avons appris ultérieurement, c'était France télévision, dont l'une des caméras avait un micro, et c'est lui qui mis le bordel. Une raison de plus pour haïr la télévision.

Bon alors c'est sûr, tout le monde a souffert, mais plus j'y réfléchis, plus je me dis que c'est le genre de « bug » qui crée immédiatement un « capital sympathie » chez le public. On sait bien que ce n'est pas leur faute, on sait bien qu'ils essaient de gérer ça comme ils peuvent. Alors on les plaint, et finalement, on adopte une attitude plus miséricordieuse vis-à-vis du spectacle en général.

Difficile, pour les musiciens. Dans un concert, on fait une pause, on dit au gens qu'on arrête le temps de résoudre le problème. Mais là, c'est une pièce de théâtre, et on n'arrête pas une pièce de théâtre. The show must go on.

Autres petits soucis : un comédien qui se vautre à deux reprises en quittant le plateau en courant, et une comédienne qui a failli se faire très mal – mais là je ne peux rien vous dire de peur de gâter la surprise, car cela a à voir avec la scénographie et la mise en scène. Déjà, il n'y aura plus la surprise de la pluie – enfin en même temps, quand on va voir une pièce de Wajdi, on se doute qu'il y aura de la flotte, et plus encore.

Ce qui est chouette, c'est que le lendemain de la première, il y a encore une première. Et pareil le jour suivant, et enfin le quatrième jour, avec la première de la trilogie. Premières, donc. J'en ai vu deux, il en reste deux – et surtout cette trilogie qui frappe si fort.

Antigone a eu un succès fou ; déjà, aucun vrai soucis à déplorer. Ensuite, c'est tout simplement la plus belle pièce, les plus beaux chœurs et mélodies – et Patrick Le Goff, en passe de devenir mon comédien préféré, joue Créon, « the » rôle de la pièce. Ah là là, mes enfants, quelle soirée !


Et bien sûr, je ne le dis pas, mais rien de tel qu'un pot de première – qui se réitère tous les soirs, puisque qu'il s'agit encore d'une première. Elle n'est pas belle, la vie ?