Tout a commencé par du théâtre.
Et puis, il y les voyages, les errances, d'un lieu à un autre ou de nulle part vers partout.
Et puis il y a les rencontres, le couchsurfing, le stop, l'improbable, les lieux communs, les trouvailles dans les fossés des chemins.
Et tout finira, je l'espère, par du théâtre.

samedi 16 juillet 2011

Les bénévoles. Les musiciens. Les festivaliers.

Des gens des visages des rires de l'humour de la bonne humeur des coups de gueule des sauts périlleux des sauteries des sots des seaux d'eau douche froide été indien... tout cela, c'est tellement bien.

Je me laisse aller au lyrisme facile. C'est médiocre, mais ça ira pour l'instant.

Tout ça pour dire que rencontrer des gens, c'est voyager. Je suis en train de vivre d'excellentes vacances (je ne dis pas les meilleures, je vexerais certains de mes amis) alors qu'elles ressemblent peu à des vacances et justement pour cela. Une grande vadrouille, c'est exactement cela. Des gens partout, que je croise, que je tutoie avec qui je mange chez qui je dors que je sers avec qui je ris des gens partout déchirés arrachés drogués des gens sans queue ni tête, des fortes têtes et des instants indicibles.

Bien sûr un festival roots comme celui-ci vous en attendez quoi ? Ils sont tous un peu fou fêlé malades névrosés, mais bons vivants dans l'ensemble et puis toujours volontaires, heureusement nous sommes presque tous des volontaires, et mêmes les salariés de l'association, ils sont volontaires comme quoi. Et puis des musiciens, des Autrichiens des Congolais des Américains et encore des Américains et des Français d'un peu partout ils sont adorables dans l'ensemble, quand je pense que le tour manager de Secret Chiefs 3 a donné un coup de main pour la vaisselle voilà le bel esprit, et puis voir les musiciens écouter le concert qui suit le leur, ou bien celui qui précède, c'est ça le bel esprit, et puis elle qui revient les deux soirs qui suivent et eux les parisiens à qui j'ai offert une bière qui reviennent aussi, parce qu'on fait de la musique tous ensemble, pas en concurrence, on aime la musique on est là pour ça. Putain de show-biz on est heureux quand on s'en déprend mais il reste là sournois tapis dans la pénombre le saligaud.

Les festivaliers tous les genres les aficionados les derniers nés les familles les vieux soixante-huitards les fans d'un groupe, ceux qui soutiennent le festival coûte que coûte et puis tous ceux-là indistincts que j'ai croisé sans m'en rendre compte ils étaient là pourtant et ils continuent ici, là-bas, à être là sans moi.

Et puis il y a ce gars avec une casquette, un bon gars, le genre dont vous avez envie de serrer chaleureusement la mains à la moindre occasion eh bien il était là tous les soirs, et en plus je l'ai croisé à une terrasse d'un café à Marseille et il allait au même concert underground que nous le soir et hier, surprise il était là dans une rue d'Avignon une bière à la main un peu éméché, c'est dingue recroiser tout le temps la même personne comme ça, vous appelez ça une coïncidence ? Karma elle dirait moi je ne sais pas j'en souris c'est tout de même fort de se croiser comme ça, enfin Avignon il faudra que j'en parle aussi, toutes ces choses à dire et les mots qui se barrent en couille et.

Rocher, cuisine, musique.

C'est un bout de rocher, face à Marseille. Entouré par la mer, agressé par le soleil. Le lieu du festival. Ce n'est pas une découverte, je suis venu au même endroit, et dans le même but, il y a trois années de cela. Mais quelle redécouverte ! L'arrivée par bateau, puis le minibus qui porte jusqu'aux ruines de l'hôpital Caroline. C'est dans cet ancien hôpital de quarantaine en rénovation que je vais vivre pendant six jours au rythme de mon travail en cuisines. Car c'est dans l'équipe « catering » que je me suis porté volontaire. Comme il y a trois ans. Parce que travailler avec Nadia, c'est bien au-delà du sandwich au jambon ou des pâtes au beurre. Je vous donnerai quelques exemples à en faire baver plus d'un. Ensuite, parce qu'au catering, on côtoie tous les bénévoles qui viennent manger, et surtout les groupes que l'on se charge de sustenter. Et discuter avec des musiciens qui, en plus, adorent ce qu'ils sont en train de manger, cela donne lieu à des instants privilégiés, à savourer tous les soirs.

Nous sommes six. Nous fournissons pour environ cinquante couverts le midi, une centaine le soir. Nous préparons, mettons en place sur le buffet ; après les gens se servent eux-mêmes – c'est pas un resto, non plus ! Nous travaillons de neuf heures à deux heures du matin, avec un peu de mou le soir à partir de vingt heures environ qui permet d'aller écouter un peu les concerts. Les pauses sont courtes, surtout pour moi (ce sont bien les seuls cinq jours de l'année où je me transforme en Stakhanov). Et puis le soir, pour me reposer, j'allais au bar servir des pressions au festivalier. Histoire de rencontrer des représentants de l'« autre côté ». Après le catering où tout les mangeurs sont satisfaits, où les éloges pleuvent, le bar fait l'effet d'une douche froide : on m'engueule quand il n'y a plus de sandwiches, on m'engueule parce que le bar est fermé...ce n'est pas plus mal. Fin du nuage. C'est l'occasion de discuter, de rencontrer des gens qui viennent ponctuellement, pour la première fois...

La musique baigne l'après-midi (balances) et la soirée (concerts, deux par soir). Je l'entends, bien sûr, mais vois rarement les concerts. Avec le plaisir d'en être dispensé parfois, devant des groupes affligeants. Avec la frustration de ne pouvoir assister qu'à la moitié du concert d'autres fois. The Last Poets étaient vraiment bien, et le coup de cœur, un groupe de congolais : more, more, more... future. Forcément, un groupe qui chante des textes inspirés de Nietzsche, qui conçoit une vraie mise en scène avec des parties dansées qui intègrent le temple en ruine sur lequel s'adosse la scène...

MIMI, késako ?

Commençons par un lien, qui vous expliquera mieux que moi de quoi il retourne : http://mimifestival2011.amicentre.biz/


MIMI est un festival qui a lieu tous les ans depuis 26 ans sous la direction de Ferdinand, le grand homme que l'on salut avec déférence et derrière qui tout le monde se tourne avec admiration. On entend même les plus âgés (en années d'activités à MIMI) chuchoter son nom et surtout son renom aux plus jeunes (en années...)

MIMI, c'est un festival engagé, pour l'environnement, pour la diversité culturelle, pour la musique qui n'est pas seulement la musique mais une manière de vivre. C'est un festival plutôt roots, on a les pieds dans la poussière, on dort (enfin, pour le peu que l'on dort...) tous dans la même salle improvisée dortoir, on boit des bières – même si cette année, elles étaient rationnées... – on fume...des clopes. Le tout dans une bonne ambiance volontaire. Après, ce n'est pas le paradis, ils y a souvent des accrocs entre les membres de l'équipe de l'AMI (l'association qui organise le festival), puisqu'ils bossent toute l'année ensemble.

MIMI c'est surtout l'occasion de passer six jours dans un autre monde, isolé sur une île, sans se soucier de rien et pourtant avec des impératifs très précis, qui me font travailler sans compter. Revenir à la ville, à Marseille, retrouver le monde, les soucis...ce lieu commun du retour qui file le blues à tous les coups...

vendredi 15 juillet 2011

Retard(s)

J'avais, jusqu'à fin juin, réussi à tenir ce blog avec une certaine régularité. Mais voilà, les choses se sont bousculées dernièrement, et mon séjour sur une île, sans internet, n'a pas aidé.

Il s'est passé beaucoup de choses, il est donc difficile de tout rattraper alors même que le temps me manque. Je vous écris depuis la terrasse d'une charmante maison, près d'Avignon, celle de notre ami William chez qui je suis arrivé hier, et dont je repars illico pour squatter dans le jardin de Jean-Vivien.

J'ai rencontré tellement de gens, découvert tellement de choses, qu'il est difficile et frustrant de devoir mettre en mots tout cela. C'est pourtant l'objectif de ce blog, et si je renonce à cela, autant l'arrêter.

Devant les cris enthousiastes des nombreux fans, je vous promets donc de ne pas laisser tomber, et d'essayer, coûte que coûte, de vous parler du festival à Marseille, des deux jours passés ensuite dans la ville, et du séjour avignonais qui commence tout juste.

Le théâtre était un peu moins au goût du jour, mais la vadrouille était plus que jamais au rendez-vous.

Je m'enfonce dans une spirale de plus en plus roots. Avec délice.

jeudi 30 juin 2011

Bonheur(s)

J'ai l'impression de crouler sous les bonnes choses. Je côtoie de gens magnifiques, beaux et brillants. Je vois du grand théâtre. Et lorsque je ne suis pas dans la salle de théâtre, je vais au cinéma, par exemple, voir Once Upon a Time in America. C'est un des meilleurs films qui soient. Je viens de finir Œdipe sur la route, et c'est une très belle découverte. Je vis sur un nuage entouré de choses excellentes : cela durera-t-il ? Vais-je réussir à me maintenir en vol si près de ces soleils ? Ou bien ma vie va-t-elle reprendre pied dans le médiocre et la fange ? J'ai parfois l'impression que je rêve – et d'ailleurs, j'en rêve. Et pourtant, je suis bien vivant, je vibre bien tous les jours depuis quelques temps aux accents de la voix de Bertrand, aux tirades de Sophocle dans la bouche de Patrick, de Sara... J'ai beau n'être que spectateur, je suis spectateur de belles choses et je n'exige guère plus de ma vie : je me sens voué à l'admiration des belles choses. Peut-être trouverai-je la force intérieur d'en faire, aussi. Nous verrons bien. J'ai confiance (la plupart du temps).

Est-ce cela le bonheur ? Est-ce que ma vie a un sens, maintenant ? Je choisis d'être optimiste, et de le croire. Et l'on pourrait conclure comme Stig Dagerman : « Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me bonne le vertige : une consolation qui soit plus qu'une consolation et plus grande qu'une philosophie, c'est-à-dire une raison de vivre. »

Première(s)

La première. Le cœur qui bat ; et pourtant, moi, je suis dans la salle. Les gens, partout. C'est dingue, avant j'avais toute la place que je voulais, je pouvais me mettre pied nu et étaler mes jambes.

La première. C'est pour de vrai. J'ai confiance, les répétitions ont bien montré qu'ils sont tout à fait capable d'assurer.

La première. Les inévitables pépins (tiens c'est marrant, à la relecture, je m'aperçois que "pépins" ressemble à "***"). La pluie qui ne tombe pas (elle arrive bien, mais en retard. Personne ne remarque, bien entendu, que les habitués). Déjà, je souffre pour eux. Les pauvres, ils doivent se demander ce qui se passe. Ensuite, et c'est le pire : le larsen qui accable le guitariste. Le pauvre, à chaque fois qu'il essaie de se rasseoir, un bruit déchirant survient, au beau milieu d'ailleurs de la tirade de l'actrice principale, qui reste de marbre (enfin elle continue à jouer, quoi). Et le guitariste de faire des allées et venues pour résoudre le problème. Des coups de couteau en plein cœur, je vous dis. Pourquoi, mais pourquoi, faut-il que cela arrive maintenant, alors que les répétitions s'étaient très bien passées ? Le coupable, nous l'avons appris ultérieurement, c'était France télévision, dont l'une des caméras avait un micro, et c'est lui qui mis le bordel. Une raison de plus pour haïr la télévision.

Bon alors c'est sûr, tout le monde a souffert, mais plus j'y réfléchis, plus je me dis que c'est le genre de « bug » qui crée immédiatement un « capital sympathie » chez le public. On sait bien que ce n'est pas leur faute, on sait bien qu'ils essaient de gérer ça comme ils peuvent. Alors on les plaint, et finalement, on adopte une attitude plus miséricordieuse vis-à-vis du spectacle en général.

Difficile, pour les musiciens. Dans un concert, on fait une pause, on dit au gens qu'on arrête le temps de résoudre le problème. Mais là, c'est une pièce de théâtre, et on n'arrête pas une pièce de théâtre. The show must go on.

Autres petits soucis : un comédien qui se vautre à deux reprises en quittant le plateau en courant, et une comédienne qui a failli se faire très mal – mais là je ne peux rien vous dire de peur de gâter la surprise, car cela a à voir avec la scénographie et la mise en scène. Déjà, il n'y aura plus la surprise de la pluie – enfin en même temps, quand on va voir une pièce de Wajdi, on se doute qu'il y aura de la flotte, et plus encore.

Ce qui est chouette, c'est que le lendemain de la première, il y a encore une première. Et pareil le jour suivant, et enfin le quatrième jour, avec la première de la trilogie. Premières, donc. J'en ai vu deux, il en reste deux – et surtout cette trilogie qui frappe si fort.

Antigone a eu un succès fou ; déjà, aucun vrai soucis à déplorer. Ensuite, c'est tout simplement la plus belle pièce, les plus beaux chœurs et mélodies – et Patrick Le Goff, en passe de devenir mon comédien préféré, joue Créon, « the » rôle de la pièce. Ah là là, mes enfants, quelle soirée !


Et bien sûr, je ne le dis pas, mais rien de tel qu'un pot de première – qui se réitère tous les soirs, puisque qu'il s'agit encore d'une première. Elle n'est pas belle, la vie ?

mercredi 29 juin 2011

L'intrus

L'ambiance à Nanterre était vraiment excellente, d'autant que le groupe était réduit. Ne restaient que les acteurs, dans l'ensemble, et j'ai bien sympathisé avec tout le monde. Une petite habitude très agréable s'est installé, j'arrive avec un peu d'avance, je fais du thé, je cause avec qui et là...

Mais voilà, à Bordeaux, c'est plus difficile. Déjà, parce que tout le monde est là, et donc des gens avec qui je n'ai pas encore vraiment parlé. Et puis tout devient plus sérieux, j'assiste à de vrais filages. J'ai peur de gêner, en même temps je suis content d'être là...je me sens, décidément, comme un intrus. Plus personne n'a le temps. Le stress monte. Difficile de ne pas regretter l'époque ô combien heureuse de la détente de Nanterre.

J'ai parfois l'impression que je ne suis autorisé à être là que parce que Wajdi ne veut pas revenir sur sa parole...et, il faut bien l'avouer, je suis le seul à être là sans rôle à jouer (mais je veux bien, moi, les porter, ces cailloux !!!)

Enfin bon, on s'en remet, de cette impression. On savoure la chance que l'on a d'être l'exception alors que personne n'a le droit de venir voir les répétitions. On savoure les poignées de main, les petites discussions attrapées au vol.

C'est tout de même bien bon d'être là.

dimanche 26 juin 2011

Synthèse magique

A Nanterre, après mon premier jour d'observation, les décors et le chœur sont partis à Bordeaux, et les répétitions avaient un côté minimaliste des plus appréciables : sans décors, sans costumes, sans musique, avec seulement quelques accessoires (chaises, bâtons...) Arriver à Bordeaux et voir les filages de chacun des pièces, jour après jour, est une expérience des plus intenses. Tout est là, le chœur, les costumes, le décors, dans toute leur magnificence. Les Trachiniennes avant-hier, Antigone hier soir, Electre ce soir. Il n'y a pas à dire, ça a de la gueule. Et décidément, Bertrand sait chanter...il suffit d'ailleurs de l'entendre parler de l'harmonica « You got the blues or you don't ». Il n'a jamais appris, bien sûr, et il en joue incroyablement bien. C'est, particulièrement pour moi, handicapé musical, rageant...

Et puis rien à dire, Sophocle, c'est puissant. Au sortir d'Antigone, on est déjà tout ébourlificoté (oui oui) alors imaginez en sortant de la trilogie.

C'est une évidence, mais prenez des places pour la représentation de Nanterre en novembre-décembre...

Je sais bien que je ne suis pas objectif ; je ne peux que trouver ça bien. N'empêche, quand je repense aux répétitions d'il y a une semaine...ah ils sont bons, ils sont beaux, ils sont forts...

Changement d'adresse

Alors voilà, je quitte Seb et Alex après deux nuits. Il était temps, parce qu'un appart' sous les toits de Bordeaux alors que la température va dépasser les 35°, c'est assez intenable. Mais sinon, c'était bien agréable !

Je me dirige vers l'appartement de Patrick Swale, qui habite juste à côté du théâtre, ce qui va me changer des quarante-cinq minutes de tram pour aller, ou revenir, des répétitions. Lui, c'est le père d'une amie d'un camarade de Lakanal, plan à l'origine assez obscur qui débouche sur quelque chose de très concret, et même de royal : j'ai une chambre à moi, avec un clic-clac ! Mais surtout, ce qui est sympathique, c'est que notre homme fait du théâtre (acteur et surtout metteur en scène) et que nos conversations sont fort riches. Il m'a déjà fait découvrir un auteur flamand, Michel de Ghelderode, et probablement d'autres d'ici la fin. C'est aussi un fan de Bertrand Cantat, et je vais donc lui prendre une place pour Les Trachiniennes mardi soir, histoire de le remercier.

En plus, on appartement est presque frais (par rapport à dehors veux-je dire) ce qui est des plus appréciable. Mais je ne plains pas de la chaleur, déjà parce que j'ai vingt ans, et que se plaindre du temps me fait sonner le triple, ensuite parce que j'aime le soleil, tout de même, et que je vais devoir m'en accommoder dans les prochaines semaines.

Tout comme il était amusant dans le train d'écrire sur mes voisines, il est amusant d'écrire sur Patrick alors que je suis à côté de lui. Il va dans la cuisine, parler au poulet en train de cuire avec une voix marrante, pas loin du Servietsky de South Park. Enfin voilà, je pense qu'on va bien s'entendre !

Guinness et sociabilité

Le couchsurfing est quelque chose de fort simple, les éléments de base étant le sourire et la bonne humeur. Si certains considèrent qu'il est de bon goût d'apporter un petit cadeau, d'autres estiment que c'est bel et bien du stop 2.1, version hébergement. C'est-à-dire qu'on vient, et la compensation, c'est discuter. Lorsque je suis arrivé, Seb m'a offert une pizza, et m'a dit que ce n'était pas le peine de participer pour les repas des deux jours à venir. A la limite, je lui paye une bière, mais c'est tout.

Nous en avons consommé, des bières ; il faut dire que le gaillard comme son colocataire Alex sont des aficionados des pubs, qui fleurissent d'ailleurs en grand nombre à Bordeaux. Vendredi soir nous nous sommes donc retrouvé au Dicken's, charmant pub en face de la Garonne dont les serveurs vous parlent en anglais lorsque vous entrez : peut-on rêver mieux ? Nous avons donc pris une Guinness, et longuement disserté sur la bière. J'ai fait partagé mon expérience de l'Irlande. En somme, mettez trois gars comme nous dans un pub, et la mayonnaise prend à coup sûr. D'une part, faire du couchsurfing, comme surfer ou comme host, signifie avoir un certain nombre de points communs qui permettent de laisser de côté les points divergents le temps du séjour. Notre meilleur point commun, serais-je tenté de dire, était la Guinness. Hélas, mes finances étant au plus bas, nous n'avons pas enchainé les pintes – hélas, trois fois hélas, malheureux que je suis, comme dirait un personnage de Sophocle. En revanche, nous avons payé à tour de rôle une tournée de « Baby Guinness ». Je vois arriver des shooters qui ont tout l'aspect d'un verre de Guinness, couleur et mousse blanche sur le dessus. Il suffit de mettre deux-tiers de Kalhua et de finir avec du Bailey's, et le tour est joué. C'est merveilleux, j'ai envie d'en commander une pinte. Mais bon, je me réfrène. Un jour, je viendrai chez des amis avec une bouteille de chaque...

samedi 25 juin 2011

Bord d'eau.

Ville de soleil et ville d'eau, voilà comme je vois Bordeaux (après vingt-quatre heures sur place, ce qui explique l'odieux raccourci).

Ville de soleil : je suis bien dans le sud. J'ai (trop) chaud, j'ai (presque) des coups de soleil et le paysage lui-même, les odeurs et les bruits, font « sud ». C'est agréable de retrouver cette ambiance après trois ans – eh oui ! Je n'ai pas mis les pieds dans le sud depuis trois ans.

Ville d'eau : la Garonne, impressionnante par sa largeur ; tellement marron qu'on pourrait croire que c'est un désert de terre ou de sable plutôt qu'un fleuve. Mais ville d'eau, aussi, par cette idée excellente : sur la place de la Bourse, face au cours d'eau, un espace sur lequel on brumise de l'eau sur une hauteur de quarante centimètres à peu près. Il y a donc une fine pellicule d'eau sur le sol, et beaucoup de gens, des bambins aux septuagénaires en passant par les beaux gosses qui se mettent torse-nu, profitent de ce lieu. L'idée est bonne, non ? Le « gaspillage » d'eau occasionné est d'ailleurs plutôt réduit, c'est une manière de faire plaisir et de rafraichir bien trouvée. [Je me suis renseigné : cela s'appelle le miroir d'eau, nom plutôt bien trouvé]

Alors même que j'écris ces lignes, à la terrasse d'un café-bd (voilà qui est aussi une bonne idée !) je vois passer au loin une dizaine de...allez, disons : hurluberlus, sur des échasses, avec chacun un bâton type perche de gondolier, et en costume...allez, disons : traditionnel, même si je n'en sais rien. Ils avancent au son d'une musique un peu militaire, flûte et tambourin... Cela a duré cinq minutes et m'a laissé bien perplexe.

Enfin voilà, tout ça pour dire que Bordeaux est plutôt sympa, jusqu'ici...

Cap au sud !

Je suis dans le train en direction de Bordeaux. Il est 10h27, je commence la rédaction de cet article sur open office. Et, grande nouvelle, je sais depuis hier soir où je dors ce soir ! J'ai enfin eu une réponse positive sur couchsurfing.com, après un bon nombre de demandes infructueuses. C'est un certain Sébastien, jeune étudiant de 24 ans qui m'accueille. Je ne resterai pas chez lui tout le temps, l'idée n'est pas de squatter pendant dix jours chez la même personne, mais de trouver d'autres âmes tout aussi charitables, et tout aussi sympathique (je l'ai seulement eu cinq minutes au téléphone, mais je considère déjà Sébastien comme sympathique). Le défi, c'est d'arriver chez lui sans encombre, de me poser et de discuter un peu, puis de me dépêcher d'aller au théâtre de Cenon : tant qu'à faire, autant éviter d'être en retard à la première répétition (14h). Wajdi m'a prévenu mercredi soir, je ne suis pas autorisé à assister aux répétitions de l'après-midi (il a invoqué un travail plutôt « intime » avec les acteurs) mais je pourrais aller voir du côté des musiciens et des techniciens, ce qui peut être tout à fait chouette ! Et puis il y a le filage du soir, qui sera bien sûr passionnant.

La question qui me taraude : si je ne suis pas là-bas comme j'ai dit que je le serai, est-ce qu'il vont s'inquiéter ? Se soucier de moi ? Enfin, je préfère y être que de m'en abstenir pour voir ce qu'il en est !

Parlons de mes voisines de train, puisque je manque d'inspiration pour continuer cet article. À côté de moi, une jeune fille lit L'écume des jours. Magnifique, ces rencontres de train. En face de moi, une fille – je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de l'appeler Camille depuis tout à l'heure, il faudra que je lui demande (en fait elle s'appelle Florestine) – rousse et présentement endormie (on dort à tour de rôle, j'ai l'impression). Notre quatuor est complété par une femme qui lit des bouquins sur Bordeaux, du genre guides touristiques. J'aurais d'ailleurs eu un Routard sur la région si Gibert n'avait pas été en rupture de stock ! Tant pis, je me contenterai des hasards de la vie, qui me réussissent plutôt bien (hier soir je me suis épanché sur la question, d'ailleurs. C'est formidable, j'ai passé une soirée d'anniversaire improvisée à l'internat, avec des gens que je ne côtoie pas en général, et je me suis retrouvé là à manger des pâtes à la Bolognaise arrosées de rosé (héhé) en conversant de manière un peu décousue. Et vous savez quoi ? J'ai passé une très bonne soirée avec eux. Peut-être parce que c'était ma dernière à Lakanal après trois ans, mais une heure avant (cinq minutes avant même) je n'aurais jamais voulu la passer avec eux, cette dernière soirée ! Comme quoi...enfin, voilà pour cette parenthèse sur les hasards de la vie).

Bon, je commence à raconter beaucoup ma vie. Je n'aurais jamais du commencer ce blog. Saurai-je m'arrêter à temps avec d'écrire mon âge d'homme à moi ? Si ce n'est pas le cas, vous êtes autorisé à venir me raisonner, m'arraisonner, m'emgarainisoner (oui oui).


Première répétition

Je n'ai pas l'intention de vous raconter toute ma vie par le menu, d'autant qu'avec le retard, je ne parviendrai jamais à tout dire, étant donné que je vis beaucoup de choses chaque jour. Mais cette première répétition, il faut en parler. C'est la découverte d'un monde nouveau, par sa proportion et par l'émotion qui m'habite.

Lorsque j'arrive, avec vingt minutes d'avance (évidemment) je rencontre Samuel et Véronique. Il me disent bonjour, m'apparaissent fort sympathique – surtout Samuel, je n'ai jamais pu résister à l'accent québécois d'une main tendue. J'apprends qu'il est là depuis seulement deux semaines, il remplace Emmanuel au pied levé et doit apprendre trois rôles conséquent pour la première, qui se tient une dizaine de jours plus tard à Bordeaux. Un sacré défi.

Entrer dans l'atelier de Nanterre, c'est se confronter à un bordel monumental. L'espace est grand, et l'amas (y'a un mot mieux !!!) indescriptible d'objets qui s'amoncellent un peu partout n'en est que plus impressionnant. Ensuite, mes yeux se portent sur le décors, sur les gens qui s'affairent et à qui je dis bonjour, tout timidement. Au bout du compte, c'est bien vingt-cinq personnes qui se retrouvent autour d'une table !

J'essaie de tout voir, de tout entendre, de tout sentir. Les sens éveillés à deux cents pour cent je ne veux rien perdre de ce qui se passe, c'est la première que je me retrouve au milieu d'une répétition d'un spectacle de cette ampleur, avec des gens que jamais jusqu'à présent je n'imaginais pouvoir côtoyer (Wajdi Mouawad, Bertrand Cantat...et les autres qui pour être moins illustrent n'en sont pas moins d'excellents professionnels qui m'intimident). D'autant que dans mon esprit, tout ce beau monde part à Bordeaux le soir même. En fait, j'apprends que seulement les décors, le chœur de musiciens et l'équipe technique partent à Bordeaux. Wajdi et les acteurs restent jusqu'au mercredi. Lorsqu'il me dit « tu reviens quand tu veux », j'ai donc la certitude de les revoir, pour partie du moins.

Je ne m'attarderais pas sur le travail des répétitions, d'une part parce que ce blog prendrait des dimensions titanesques, et d'autre part parce que c'est un peu privé tout de même ce qui se passe là et que je ne vais pas divulguer comme ça la vie de tous ces gens. Voilà, c'est dit, je viens de fixer des règles de conduites pour ce blog qui n'en avait pas. Remarquez, je la transgresserai probablement, cette règle, sinon ce ne serait pas drôle...

Rencontre

Reprenons donc le récit de événements par le menu. Je vais voir Wajdi Mouawad et lui dis : « Bonjour, M. Mouawad, j'aimerais beaucoup travailler avec vous. » Il commence par rire – je n'en attendais pas moins. Je continue sur ma lancée, développe mon admiration pour son œuvre, et lui explique pourquoi je viens le voir (« je viens de rater mon concours »). Et lui, que dit-il ? « J'entends », plusieurs fois ; il entend mon admiration, il entend mon désir de travailler avec lui. Le terme est vague, je vous l'accorde, et à la question que voulez-vous faire, je lui réponds « tout, ce que vous voulez, de jouer à faire la cuisine en passant par être chroniqueur ; j'aime le théâtre autant de l'intérieur que de l'extérieur... » Il me demande de lui donner mes coordonnées sur un bout de papier (la question : qu'est devenu ce bout de papier ?) et me demande des précisions sur ce que je fais, l'âge que j'ai... Après quoi, il me propose de venir le lendemain à Nanterre, à 14h, voir la répétition, le travail qu'il fait « si vous voulez ». Et pour finir, il me remercie de m'être déplacé à Nanterre, parce que c'est tout de même un peu galère.

Moi je suis sur un nuage, avec Albert Camus entre les rails du ciel (quelqu'un, quelqu'un ?) et alors qu'il rentre dans la salle, je m'éloigne, les larmes aux yeux. De joie, bien sûr. Alors que ma cornée s'humectent, une petite pluie commence, une averse très courte, écho cosmique de ma félicité intérieure.

J'ai l'air de m'emballer ? Je vous assure que je l'ai vécu comme ça. Et l'emballement de ces quelques mots n'est rien à côté de l'émotion qui m'a submergée.


C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à très peu dormir, tout excité, des rêves plein la tête.

jeudi 23 juin 2011

WM : Origins

Derrière cette parodie de titre de prequel marvellien se cachent les origines (non, sans blague ?) de l'aventure.
S'il faut un début, on peut citer cette soirée du printemps 2008 (mince, c'était quel mois ? pas très précis ce début...) pendant laquelle j'ai découvert, subjugué, Forêts de Wajdi Mouawad. Je reviendrais peut-être sur mes impressions et critiques de ce spectacles - et des autres - mais je vais éviter de faire des digressions dès le début, de peur que je ne m'en sorte jamais - ni vous non plus (c'est-à-dire que les lecteurs à achever mes articles soient bien moins nombreux qu'à les commencer ; même si, pour le coup, ce serait plutôt les articles qui les achèveraient - achèvent ?)
Ok, j'arrête.
S'il faut un début, on peut penser à ce jour fatidique du mardi 14 juin 2011. Les résultats de l'ENS tombent, un jour plus tôt, à la surprise générale ; notre avant-garde est submergée, les ennemis écrasent l'aile droite, nous encerclant dans un mouvement tournant, et c'est la débandade, la défaite, on signe un armistice au goût de 22 juin : je suis sous-admissible (parenthèse pour ceux qui ne parlent pas la langue : je ne suis pas admissible, c'est-à-dire que je ne vais pas à l'oral, mais on me dit que c'est pas trop mal quand même, que je n'étais pas loin. C'est généralement encourageant en ², humiliant en 3 (tiens, comment on fait le symbole "cube" ?))
Bref, toujours est-il que j'ai Bertrand au téléphone (mon prof de théâtre, pour ceux qui l'ignorent) et qu'il me dit - entre autre : "Mouawad est en répétitions à Nanterre, vas le voir, vas-y au culot..."
Ce que je fais, le jeudi 16 juin.
La suite au prochain épisode (oh comme il ménage un suspens de fou...)

Le premier jour du reste de ta vie.

"Bonjour, M. Mouawad, j'aimerais beaucoup travailler avec vous"
C'est en ces termes que notre ami Duke s'est introduit auprès de Wajdi Mouawad, le jeudi 16 juin, aux alentours de midi un quart.
Comment en est-il arrivé là ? Que s'est-il passé ensuite ? Que va-t-il se passer maintenant, et dans les prochains jours, dans la vie de David Duke ?
Ces questions, vous vous les posez tous. Ce blog est là pour y répondre ; je dirais même plus, c'est ça raison d'être (ça, et une idée fulgurante de 3h43 ce matin).
Tout le monde me demande des nouvelles, je raconte ce qui m'arrive dès que j'en ai l'occasion ; voilà qui rendra les choses plus officielles, plus accessibles.
L'idée, c'est de raconter, de dire, seulement dire (quelqu'un, quelqu'un ?) l'expérience théâtrale que j'ai la chance de faire, et puis de parler un peu de ce voyage improvisé qui peut donner lieu à des anecdotes croustillantes (entre le stop, le couchsurfing...) toutes relatées ici et non censurées.
Bon, c'est vrai, c'est un peu pour se la péter...mais vous n'êtes pas obligés de lire, en même temps.